DOSSIER DHEA pilule de jouvence, la fin du
mythe, ignorance et désinformation
(gros
dossier, mode d'emploi, allégations folkloriques etc...
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Molécule, mode d'emploi
La déhydroépiandrostérone (DHEA), molécule fabriquée par le corps humain, connaît un pic de production chez le jeune adulte puis décroît progressivement après 50 ans. C'est Adolf Butenandt, un Allemand, qui l'isole au début des années 30.
En 1960, le Pr Beaulieu, met en évidence une hormone intermédiaire produite par les glandes surrénales : la DHEA. Ce composé est un précurseur de l'hormone mâle (la testostérone, une hormone dite " androgène ". Cette sécrétion explique pourquoi il existe même chez la femme des androgènes circulants. Dès lors, il va s'intéresser au parcours et aux effets de cette molécule naturelle. La sécrétion de base de la DHEA est de 20 mg/jour environ.
L'an dernier, la publication partielle par la grande
presse d'une étude scientifique sur le sujet, menée en
collaboration avec le Pr Françoise Forette lance le débat
en pâture au grand public. Les volontaires, âgés
de 60 à 79 ans, qui ont pris quotidiennement entre 50 mg
(au féminin) et 75 mg (au masculin) d'une DHEA de synthèse
semblent en avoir tiré bénéfice.
Pourtant la publication du Pr. Baulieu relate des
effets positifs fort modestes bien qu'intéressants,
ceci chez des sujets déficitaires en DHEA après dosages
sanguins sérieux.
Ces effets en relation directe avec l'effet dopant des androgènes circulants, semblent s'atténuer au bout de six mois à un an. De plus ils sont quasi nuls avant 70 ans.
Cette médiatisation prend le relais d'une mode
venant d'Amérique du Nord : depuis deux ans les
personnes vieillissantes ou se croyant telles consomment
de façon anarchique des gélules de DHEA de n'importe
quel dosage puisqu'une loi votée en novembre 1997 par le
sénat américain à majorité républicaine interdit à
la FDA d'intervenir préventivement pour vérifier a
priori la non toxicité d'un produit, business oblige. Car
dans ce merveilleux pays, la DHEA n'est pas un médicament,
n'a pas d'autorisation de mise sur le marché et circule
librement. Chacun peut faire " sa petite gélule
" et la commercialiser librement.
Pour que le succès commercial soit total, il faut
attirer le client. Alors là tout est bon puisque la Loi
n'oblige pas à démontrer avant commercialisation les
bienfaits du merveilleux produit. La gogothérapie n'a
donc plus de limites puisque dans ce pays le
fabricant n'est même pas obligé de contrôler le dosage
des produits qu'il commercialise et la posologie est
laissée à l'appréciation du fabricant lui même.
Le système de santé des Etats Unis est basé en effet
sur la notion de responsabilité du consommateur, jugé
suffisamment adulte pour savoir ce qu'il avale.
La folie DHEA
Les seniors, à qui les statistiques
promettaient, d'ores et déjà, une plus longue espérance
de vie dans de meilleures conditions, s'emballent.
Et si, grâce à la DHEA, l'on restait jeune jusqu'au
bout ? Un vent de folie s'empare de la planète "papy
boom".
A chacun sa méthode. Certains la commandent sur
Internet, d'autres la reçoivent en cadeau "d'un ami"
de retour des Etats-Unis, de Suisse ou de Vintimille.
Et l'on trouve tout et n'importe quoi à l'intérieur
des gélules.
Comment d'ailleurs un particulier serait il en mesure
d'analyser et de titrer le contenu d'une gélule dans son
appartement ? Les dosages sont fantaisistes. Le bruit
court qu'à moins de 25 mg, l'efficacité est voisine de
zéro, alors on en avale 100mg, voire plus car ce qui est
écrit sur la boite est fatalement vrai lorsqu'on est un consommateur
naïf.
Les plus sages font le siège de la poignée de médecins
français qui rédige encore une ordonnance pour faire
fabriquer la DHEA en officine. "Là, au moins,
explique Jacqueline (65 ans), je suis rassurée. Un médecin
ne me donnerait pas n'importe quoi!".
Erreur, l'ignorance et la désinformation ont aussi
touché le monde médical et rien n'est plus
dangereux intellectuellement que la nullité crasse
lorsqu'un titulaire du diplôme de médecin y apporte sa
caution.. Pourtant le conseil national de l'ordre de médecins
dans son bulletin et dans les médias recommande aux médecins
de ne pas rédiger d'ordonnance comportant une
prescription de DHEA. Dans le domaine du franc délire,
la DHEA ou déhydroépiandrostérone est souvent appelée
" hormone-mère " ou " mère des hormones
". Elle est, disent les charlatans de tous poils,
l'hormone prédominante dans notre corps. Notre corps la
convertirait spontanément dans la forme hormonale qui
lui convient le mieux, ou la plus appropriée à son
fonctionnement harmonieux (qu'il s'agisse d'oestrogènes,
de progestérone, de testostérone ou d'adrénaline). Ces
affirmations teintées d'angélisme béat sont fausses,
car la DHEA n'est qu'un intermédiaire banal parmi
d'autres et que son devenir est principalement la
transformation en hormone mâle...adieu l'adrénaline qui
n'a rien à voir chimiquement avec la DHEA ! Bonjour le déséquilibre
hormonal ! C'est la raison pour laquelle ce produit
chimique a été classé par le ministère de la jeunesse
et des sports dans la liste des substances dopantes
depuis le mois de février et interdite à ce titre chez
tout compétiteur.
En prime, on voit fleurir les allégations les plus folkloriques :
Tandis que dans l'entourage du Ministre délégué à la Santé, on admet que la situation est embarrassante. "Nous n'avons pas assez de recul pour assurer que la prise de ce produit ne présente pas de danger", l'agence française de sécurité sanitaire publie le 3 mai un communiqué que, bien entendu, personne ne lit. Pourtant il est explicite : " Aucune firme n'a déposé de demande d'évaluation scientifique " " L 'agence ne dispose pas de données scientifiques suffisantes lui permettant de déterminer avec exactitude les propriétés pharmacologiques, toxicologique, et cliniques de cette substance " " L'agence n'a délivré aucune autorisation de mise sur le marché pour une spécialité pharmaceutique comportant de la DHEA " " L'agence met en garde le public sur les risques de l'achat de produits via internet car il y a un risque de consommer des produits dont la composition n'est ni garantie ni contrôlée " " La DHEA n'est référencée ni à la pharmacopée française, ni à la pharmacopée européenne "
Le Pr. Baulieu lui même, débordé par le phénomène, dénonce depuis plusieurs semaines les abus d'une médiatisation trop rapide voire erronée des vertus thérapeutiques de la DHEA. Il rappelle que " l'administration de DHEA exige un suivi médical. Elle peut être contre indiquée dans certains cas, un surdosage peut être dangereux et son innocuité à long terme est inconnue " (sic !). Ces déclarations sont d'autant plus justifiées que les expérimentations sont encore inachevées et que l'étude à moyen et long terme n'a pas été faite. Il n'existe aucun recul sur plus d'un an. Outre les quelques petits désagréments liés à l'effet androgénique de la DHEA ( acné " juvénile ", maux de tête, hirsutisme, odeurs corporelles liées à la production de sueur), le surdosage peut provoquer une hypertension artérielle. La prise de DHEA par une personne souffrant d'un cancer du sein ou de l'utérus chez la femme, de la prostate chez l'homme est cause de multiplication rapide des cellules cancéreuses. La DHEA peut être en effet un redoutable promoteur de tumeurs malignes, voire révéler un cancer jusqu'à présent inapparent. Chez l'homme le danger est réel mais on ne sait pas si la substance DHEA est ou non cancérigène par elle même faute d'étude clinique et pharmacologique.
Et maintenant ?
La vente de DHEA semble en contradiction avec deux principes fondateurs des professions de santé :
Dr Faust : le mot de
la fin ?
Jean-Jacques Rigot : Et sil y avait un
accident, une pathologie imprévue ou un quelconque
"dommage collatéral", quel troupeau à votre
avis va-t-on voir abattre ?