POLYMEDICAMENTATION
des personnes âgées

Les ordonnances trop longues sont toujours dangereuses.

Les personnes âgées de plus de 70 ans souffrent généralement d’une ou plusieurs affections chroniques, parfois entrecoupées d’épisodes pathologiques aigus.
Ces malades s’exposent à des prescriptions médicamenteuses multiples, donc à des risques surajoutés, allant de simples effets indésirables (vertiges, sécheresse buccale, tremblements, constipation …), à des troubles plus graves (désorientation, troubles du rythme cardiaque, déshydratation…), responsables de 10 % des hospitalisations pour cette tranche d’âge, voire des décompensations pouvant mettre en jeu le pronostic vital.
Qu’il s’agisse de personnes âgées vivant chez elles ou hébergées en institution, l’ordonnance moyenne en France est de 5,1 médicaments par personne et par jour.
Il est fréquent de découvrir chez les personnes âgées des ordonnances dont la liste interminable de comprimés, gélules, potions, gouttes, pommades et collyres ne comporte pas moins de 15 à 20 produits différents pour un même malade.A l’ordonnance du généraliste s’ajoutent les ordonnances des divers spécialistes consultés occasionnellement ou régulièrement, parfois à l’insu du médecin traitant (ophtalmo, ORL, dermato…).
D’autres médicaments arrivent par des canaux divers, souvent des conseils «éclairés» de l’entourage bienveillant (antalgiques, vitamines, purgatifs…).
L’armoire à pharmacie, où s’entassent des strates plus anciennes de traitements interrompus ou oubliés avec des produits parfois périmés, enrichit encore la panoplie.
NB : Les connaissances pharmacologiques actuelles ne permettent pas de prévoir les interactions, donc les dangers, qui résultent de la juxtaposition de plus de 4 médicaments actifs.
Fort heureusement, les patients âgés ne sont pas toujours scrupuleux : il leur arrive d’interrompre ou d’oublier un remède. Heureusement aussi, tous les médicaments ne comportent pas des molécules actives : les spécialités à effet placebo ont l’intérêt majeur «d’occuper le terrain» sans perturber l’état du patient.

Quelques règles à respecter par les prescripteurs
(et à bien connaître par les patients…)

La reconstitution de l’histoire du malade doit être aussi complète que possible :

antécédents médicaux (personnels et familiaux),

traitements antérieurs (voir les anciennes ordonnances),

intolérances médicamenteuses

Les objectifs sont précis et raisonnables :

combattre (et éventuellement prévenir) les épisodes aigus.

améliorer, ou soulager, les états chroniques.

donner des conseils d’hygiène de vie et de diététique pour corriger les troubles fonctionnels habituels (constipation, fatigue, insomnie…).

L’évaluation du malade est rigoureuse :

mesurer les capacités cognitives du patient (et de son entourage), afin de s’assurer de son aptitude à comprendre et à utiliser le traitement prescrit.

apprécier le cadre de vie et les diverses possibilités : de déplacement, de surveillance, d’alimentation et d’hydratation.

évaluer l’autonomie (grille AGGIR, échelle de Katz…).

mesurer poids et taille afin d’adapter les posologies.

mesurer la fonction rénale sachant qu’elle diminue régulièrement avec l’âge (seulement 2/3 de la capacité totale à partir de 70 ans)…

Le prescripteur est précis, mesuré et prudent :

prescrire les médicaments strictement indispensables,

recommander des horaires de prise faciles à mémoriser (repas, coucher…),

rédiger des ordonnances claires et lisibles,

privilégier les médicaments faciles à absorber en évitant les gouttes qui exposent à des erreurs de comptage, ou les suppositoires,

éviter les médicaments dont l’efficacité reste à établir. Ils sont identifiés dans le dictionnaire Vidal par les mentions : « proposé dans… », « utilisé dans… », « utilisé comme… »,

vérifier que les associations médicamenteuses ne provoquent pas d’interactions néfastes.

veiller aux médicaments à marge de sécurité étroite (digoxine, anticoagulants, anti-diabétiques…) ou ayant un impact sur les fonctions cognitives (neuroleptiques, anxiolytiques, somnifères…),

préférer les médicaments à durée d’action courte,

regrouper les prescriptions sur une liste mise à jour et figurant au dossier médical et dans le carnet de suivi médical du malade,

réévaluer périodiquement les thérapeutiques prescrites, en évitant les renouvellements systématiques de médicaments pendant des années…