Les allergies aux pollens:En augmentation

La plus connue est le "rhume des foins" dû aux pollens de graminées. Mais les pollinoses dues aux pollens d'arbres ou d'herbes sont également nombreuses. Le point avec le Pr Francisque Leynadier (centre d'Allergologie de l'hôpital Tenon, Paris.

Comme les autres, les allergies aux pollens sont en augmenta­tion dans le monde entier, sans que l'on sache vraiment pourquoi. En revanche, les mécanismes de l'allergie sont bien connus. Pour se protéger des agressions, l'organisme dispose d'une méthode efficace: après un premier contact avec un germe dangereux (virus, bactérie, parasite), il le met en mémoire et fabrique contre lui des armes sur mesure, à utiliser lors d'une nouvelle rencontre. Cette réaction de défense est donc a priori bénéfique. Dans le cas de l'allergie, le système immunitaire réagit de manière exagérée vis-à-vis de sub­stances qu'il considère comme nocives alors qu'elles ne le sont pas.

Les symptômes allergiques localisés (rhinite, conjonctivite, démangeaisons, eczéma, urticaire) ou généralisés (asthme, oedème de Quincke, choc anaphylactique) sont le résultat d'un conflit entre les éléments de défense (les anticorps) et les intrus (les antigènes). Les antigènes responsables d'une réac­tion allergique sont des allergènes. Les poils de chat, les acariens ou les pollens contiennent des allergènes.

Pollens entomophiles ou anémophiles?

Rappel pour les ignorants en botanique: ces grains minuscules contenus dans les étamines sont les éléments mâles de la reproduction chez les plantes. Ils ger­ment sur la partie femelle des fleurs et fécondent les ovules qui donneront les graines. "En théorie, tous les pollens sont potentiellement allergisants. En pra­tique, les "gros" pollens lourds (comme ceux du tournesol), qui ont besoin des services des insectes pour être transpor­tés sur les plantes femelles, sont peu allergisants car ils ne volent pas dans l'air. Sauf pour les professionnels tra­vaillant directement sur les pollens, comme les chercheurs de l'INRA*... Ce sont des pollens entomophiles", explique le Pr Francisque Leynadier. "À l'in­verse, les pollens anémophiles (petits et légers), obligés de voyager tout seuls au gré du vent pour pouvoir fertiliser les plantes femelles, sont très allergisants." À des degrés variables cependant. Pendant sa période de floraison, en août-septembre, l'ambroisie (Ambrosia), une mauvaise herbe venue d'Amérique du Nord qui a envahi la région lyon­naise et ne cesse d'étendre son territoire, provoque asthmes, urticaires et malaises sévères. D'autres pollens comme ceux du châtaignier sont à l'origine - on ne sait pour quelle raison - des réactions moins sévères.

Trop de cyprès et de thuyas

Actuellement, ce sont surtout les polli­noses dues aux arbres qui augmentent. Quand les espèces sont diversifiées et donc plantées chacune en petit nombre, le risque d'allergie est peu élevé. C'est la "surutilisation", souvent exclusive, dans les jardins et les résidences, de cer­taines espèces comme les cupressacées - notamment le cyprès dans le Midi et les thuyas - qui fait augmenter le nombre de cas de pollinose: ces petits pollens diffusent en même temps dans l'atmosphère et en quantités énormes. Dans le Nord de la France, où l'on plante davantage de bouleaux, les aller­gies aux pollens de cet arbre tendent à progresser. Mais, selon le Pr Leynadier, "comme les arbres poussent plus lente­ment que les plantes, il ne faut pas s'at­tendre à une explosion du nombre de cas avant quelques années". Une bonne nouvelle: depuis la tempête de 1999 qui avait abattu quantité d'arbres, on peut espérer une diversification des espèces, notamment grâce à la repousse d'espèces naturelles...

Quels arbres planter?

Au moment de planter des arbres, mieux vaut réfléchir à deux fois. Ni cyprès bleu (dans le Sud) ni thuyas, mais des haies mélangeant plusieurs espèces. Dans le Nord, éviter les bouleaux, décoratifs mais hautement allergisants et déjà en surnombre; préférer les tilleuls, fréquentés par les abeilles, dont les pollens ne volent pas.

"Les mairies et l'Assistance publique commencent à s'inté­resser à cette question et s'adressent aux allergologues avant de planter de nouveaux arbres dans les jardins", approuve le Pr Leynadier. "À l'hôpital Tenon, par exemple, on m'a demandé de choisir parmi trois espèces et j'ai opté pour le moins dangereux, le tilleul argenté."

En cas d'allergie, les antihistaminiques, les corticoïdes par voie nasale et, en cas de réactions sévères, la désensibilisa­tion, permettent de vivre normalement pendant la période de pollinisation. Mais mieux vaut prévenir: éviter de se promener ou, pire, de courir dans les bois; en voiture, rou­ler fenêtres fermées sans enclencher la ventilation ou bien fixer un filtre antipollens; le soir, par temps beau et chaud, fermer les fenêtres car, en retombant, les pollens pénètrent dans les maisons; après un orage attention, les pollens tom­bés à terre sèchent, éclatent et répandent les allergènes dans l'air.

GARE Aux FAUSSES POLLINOSES

L'été, les services d'urgence voient affluer des malades présentant un asthme allergique parfois grave attribué un peu vite aux pollens. Méfiance, il peut s'agir

d'une allergie aux moisissures extérieures (par temps chaud et humide) ou intérieures (terre des plantes vertes, sous le papier peint de pièces humides et mal aérées). Les spores d'Alternaria, en particulier, très nombreuses dans l'atmosphère à cette époque, sont très allergisantes.

AU BANC DES ACCUSÉS

Cité aux récentes "Journées parisiennes d'allergie" le Ficus benjamina. Des premiers cas d'allergie avaient été signalés dès 1987 mais, à l'époque,

ils paraissaient anecdotiques ou réservés aux professionnels de l'horticulture. Avec l'introduction en masse de cet arbre dans les appartements, l'allergène est devenu "domestique" et responsable de cas de plus en plus nombreux d'allergies graves. "Il s'agit d'un arbre non pollinique, mais peu importe, c'est le cas typique de ce qu'il ne faut pas faire", commente le Pr Leynadier. "Il faudrait que cette mode passe..."

* Institut national de recherche agronomique.

Camille Dubreuil (Bien être et Santé)