Mardi 27 mars 2007

A/ Le réseau officinal est le résultat d’un demi-siècle de régulation concertée avec les pharmaciens :

- La répartition démo-géographique a permis de constituer, depuis 50 ans et de façon concertée, un réseau homogène de 23000  d’officines (une pour 2500 habitants). Dans la perspective du rapide vieillissement démographique (avec 1 million de Français de plus de 80 ans d’ici à 2015) et de ses conséquences en matière d’accès sanitaire, chaque Français a ainsi, en moyenne, une pharmacie à 6 minutes de chez lui (rapport Berland 2006).

- La préservation continue de l’indivisibilité de la propriété et de l’exploitation des officines  a permis d’organiser ce réseau en « équilibre dynamique ». Les pharmaciens ont ainsi pu- à l’abri des surenchères capitalistiques observées dans des pays voisins et par un simple jeu d’équilibre professionnel- assurer  des règles d’installation et de reprise permettant  à la fois leur présence dans tous les territoires et une conciliation de leur activité avec les équilibres de vies (âge et scolarité  des enfants notamment).

Cet équilibre est aujourd’hui menacé par la Commission Européenne. En effet, sa volonté d’application stricte des principes de liberté d’établissement et de circulation des capitaux a conduit la Commission Européenne à engager une procédure d’infraction contre plusieurs pays : l’Autriche, l’Espagne, l’Italie et, à présent, la France. Ceci mérite d’être fortement contesté par nos autorités, eu égard aux effets sanitaires et politiques que pourrait avoir une remise en cause de l’actuel cadre d’activité : la contraction du réseau et sa segmentation commerciale, la destruction d’emplois et le sentiment d’abandon dans les territoires ruraux …
 
- Or, aujourd’hui, le réseau officinal assure des fonctions essentielles dont la conjonction est sans équivalent dans le secteur sanitaire : proximité, service de délivrance des médicaments  continu assuré par un service de garde, rôle croissant dans la coordination des soins, campagne de prévention et d’alerte sanitaire …Un chiffre donne la portée de ces éléments : 4 millions de français sont rencontrés chaque jour en officine.


B/  Ce réseau  s’impose aujourd’hui  comme un acteur et un atout majeurs  des politiques de santé et de solidarité :

- Les  53000 pharmaciens dans les officines, leurs 55000 préparateurs et 35000 salariés  directs jouent  un rôle central dans la maîtrise des dépenses de l’assurance maladie (délivrance de génériques, prévention du recours aux antibiotiques, notamment en relayant les campagnes de santé publique, prise en charge des pathologies bénignes…), la sécurité sanitaire (conseils de bonne observance des traitements et à l’automédication ; demain, détection des contrefaçons de médicaments qui deviendra, ainsi que le montre la situation britannique, un nouveau risque sanitaire…) et les campagnes de santé publique.
Ce rôle est largement reconnu et accepté par les Français (sondage FSPF / TNS Sofres de février 2007)
- 93%  font une totale confiance aux pharmaciens d’officine;
- 69% les considèrent comme des professionnels de santé à qui l’on demande conseil ;
- 66% en attendent prioritairement des explications et précisions sur les posologies ;
- 83% pensent que les pharmaciens ont un rôle accru à jouer en matière d’information du grand public et de veille sanitaire, et 76% dans le cadre de déplacements à domicile pour le suivi de personnes dépendantes.

-  Ce rôle s’est affirmé dans un contexte d’érosion des marges commerciales (NB : 85% du chiffre d’affaires  est directement lié à la prescription médicale), de nouvelles délégations de missions par l’assurance maladie et d’accroissement des responsabilités, des contraintes et des charges des professionnels : la pénurie des vocations, la mise en place des 35 heures, les obligations accrues de  formation continue ont conduit les pharmaciens d’officine à dégager, sur leur temps personnel, les gains de productivité correspondants. Les nouvelles missions confiées aux professionnels ne se sont cependant pas traduites par une revalorisation de leurs moyens. Le secteur a pourtant besoin d’une stabilisation et d’une sécurisation de son cadre d’activité, pour pouvoir se voir confier de nouvelles missions à l’avenir.


C/  Le réseau peut  se voir  rapidement confier de nouvelles missions de premier accès aux soins, d’accompagnement du vieillissement et en matière de services à la personne

- Les effets et conséquences du choc démographique -général comme au sein des professions de santé- vont être brutaux : en termes  de compétences humaines,  de  ressources  territoriales  et d’engagements financiers. L’optimisation des conditions d’accueil, de conseil et d’orientation des différents points d’entrée dans le système de soins, comme de prise en charge des personnes dépendantes, va rapidement s’imposer.

- Dans ce contexte, les pharmaciens d’officine apparaissent être des acteurs  particulièrement  légitimes et  pertinents  pour se voir confier de nouvelles missions, de par leur formation, leur relation à la population, leur implantation, leur forte adhésion  passée aux réformes  engagées.

-  Ils souhaitent, pour leur part, un renforcement et un  approfondissement des évolutions déjà à l’œuvre. Elles ont déjà  prouvé leur pertinence dans les premières mesures en matière de coordination des soins et de prévention de santé publique. Très rapidement, le vieillissement  des populations, notamment rurales, va nécessiter leur disponibilité, proximité et expertise pour animer concrètement les moyens du maintien à domicile, en particulier quand il est lié à une pathologie lourde et / ou chronique. Le suivi des pathologies lourdes, en particulier dans les zones de faible densité médicale, ne pourra s’envisager sans y associer les pharmaciens d’officine : les progrès du monitorage médical ne supprimeront pas la nécessité de se rendre au lit du malade.

- Les pharmaciens souhaitent également se voir confier un rôle accru dans l’accompagnement thérapeutique. La mise en place de la « sortie de réserve hospitalière » s’est fondée sur une réflexion et un constat qui vont aussi s’imposer  pour des populations réclamant  un rapide accès au médicament et une aide permanente à la bonne observance du traitement.

- Symétriquement, les pharmaciens souhaitent, ici encore dans le prolongement des réflexions et réformes engagées, renforcer leur rôle de praticien de santé de premier recours, notamment pour la prise en charge des pathologies bénignes. Au même titre, il faut promouvoir une automédication maîtrisée à l’officine dans un souci de cohérence de traitement et selon une logique bien comprise de parcours de soin encadré.

- Enfin, les pharmaciens entendent jouer un rôle accru dans la bonne délivrance des services à la personne. Ici encore, l’ampleur du choc démographique et ses conséquences sur le dispositif de l’ Aide personnalisée à l’Autonomie (APA) ne pourra trouver de réponse sans une fonction de coordination territoriale entre les aspects sanitaires, sociaux et sociétaux (aide aux aidants, notamment) pour lesquels les pharmaciens d’officine disposent d’atouts sans équivalents. Il est urgent de veiller à la mise en application de ces principes dans les textes réglementaires et législatifs actuels et à venir.


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