des accueils de jour pour sortir de l'isolement.



  • Les familles touchées par la maladie d'Alzheimer se referment sur elles-mêmes, avec souvent pour conséquence le déclin accéléré du malade. Animées par des professionnels, des structures d'accueil à la journée redonnent une nouvelle vie aux malades et à leur entourage...

Des couleurs pastel sur les murs, de grandes baies qui laissent entrer la lumière a flots, un long couloir, puis une petite salle à manger dont la porte-fenêtre donne directement sur un jardin. En pénétrant à la Casa Delta 7, on se sent un peu comme chez soi. Justement, "casa", c'est la maison en espagnol, mais ici, c'est aussi le sigle de "Centre d'Alzheimer, de suivi et d'accompagnement". Autrement dit, un centre d'accueil de jour pour les personnes qui, atteintes par la maladie d'Alzheimer, ont perdu leurs facultés intellectuelles et leur autonomie. Elles y sont accueillies durant toute la journée, à raison d'une, deux ou trois fois par semaine. À 9 heures, la maison s'anime avec l'arrivée des "résidants" du jour. Un petit déjeuner les attend dans la salle à manger. Les familles qui les ont accompagnés s'attardent à boire un café, c'est l'occasion pour elles d'échanger avec le personnel et de "passer le relais" en douceur. Vers 10 heures, les ateliers peuvent commencer. Des groupes sont formés, pas plus de cinq participants pour chacun. Peinture, gymnastique douce, musique, travaux manuels, vont rythmer la journée largement entrecoupée par le déjeuner, des périodes de repos, le goûter. "Ici, le maître mot est souplesse: souplesse dans l'organisation, souplesse par rapport à l'évolution des malades, explique Bernard de Groc, directeur général de l'association Delta 7*, qui a créé ce centre. Des résidants ont envie de sortir après le déjeuner ? Nous avons le parc tout proche pour les y accompagner. Certains ont besoin de s'isoler ? Le salon leur est ouvert, avec toujours la présence d'un membre du personnel. D'autres ont besoin de déambuler ? L'espace est conçu pour répondre à ce besoin qu'éprouvent certains malades de marcher constamment."


Travailler sur de petites choses
L'objectif de tous les centres d'accueil de jour est le même: redonner une part d'autonomie aux personnes âgées dont les fonctions intellectuelles se détériorent inexorablement. Au début, l'entourage constate quelques oublis, puis les troubles s'accentuent avec une difficulté à se situer dans le temps et dans l'espace - la personne se perd dans son quartier. Peu à peu, les tâches familières deviennent de plus en plus difficiles à accomplir; les malades ne sont plus capables de prendre des décisions et perdent le contrôle d'eux-mêmes. "C'était un homme très raffiné et maintenant il ne veut plus se laver, il mange salement, témoigne l'épouse de ce malade atteint par la maladie depuis quatre ans. Il regarde la télévision, mais ne se souvient de rien. Il lit, mais que retient-il ? Je ne le sais pas, le dialogue est impossible. Parfois, il devient agressif: si quelqu'un le frôle, il peut donner des coups. Dans ces conditions, aller dans une exposition devient très difficile. Heureusement j'ai réussi à lui trouver une place dans un centre d'accueil de jour où il participe aux ateliers mémoire." Quelles activités faisant appel à la mémoire peut-on proposer quand, justement, celle-ci s'en est allée ? Il faut faire avec ce qui reste. Regarder des photos qui vont faire surgir un mot dont l'animateur va s'emparer pour stimuler d'autres réactions et de fil en aiguille faire nommer les choses. Le langage est hésitant, mais des bribes de souvenir refont surface, parfois par l'entremise d'une chanson dont un participant retrouve l'air et quelques paroles. Un autre enchaîne... ou part sur une autre voie. Des échanges sont possibles pendant quelques instants, alors que chacun vit replié sur lui-même une partie du temps.

Maintenir une vie sociale
"Lire un texte, projeter des films documentaires sur des régions ou des pays qu'ont pu connaître les malades, réactive quelques souvenirs et permet souvent une demi-heure de discussion, explique Bernard Chaval, le directeur du centre d'accueil de jour Casa Delta 7. Mais bien sûr nous travaillons toutes les stimulations à n'importe quel moment. 'implantation de nos locaux dans un quartier animé de Paris (18e), au rez-de-chaussée d'un immeuble d'habitation, avec des commerces et la Poste tout proches est un choix raisonné. Les petits de l'école primaire voisine viennent spontanément parler avec nos résidants. L'organisation de nos locaux aussi ne doit rien au hasard. Ainsi, la cuisine est intégrée à la salle à manger afin que les odeurs se diffusent dans la pièce. Nous travaillons sur les réminiscences olfactives qui, en plus, font partie du domaine du plaisir. C'est aussi important. Nous accordons une attention toute particulière au déjeuner, car nous devons réhabituer les malades à manger. Ils disent souvent: "Non je ne veux pas. Je n'ai pas faim." Alors, il faut prendre du temps. Nous essayons aussi de connaître les habitudes passées pour nous adapter: ce monsieur qui déambule toute la journée et ne mange plus était cardiologue; comme nous savons qu'il déjeunait sur le pouce, nous laissons en permanence sur le bar une collation pour lui. En général, après trois semaines de fréquentation du centre, les expressions du visage changent et les familles constatent des évolutions. Des personnes qui ne faisaient plus rien chez eux épluchent les légumes, participent aux préparations culinaires, mettent le couvert. Et les proches nous disent: Maintenant, à la maison, il m'aide un peu."

Un répit pour ta famille
Souvent seul face au malade, "l'aidant principal" - en langage administratif - doit faire face aux exigences, sautes d'humeur, à l'apathie ou à l'agressivité, gérer la désorientation jour et nuit, l'année durant. Les relations avec les amis s'effilochent, le temps manque pour voir les enfants et les petits-enfants. Dans 75 % des cas, ce sont les conjoints, eux mêmes âgés, qui s'occupent du malade, dans 25 %, ce sont les enfants dont la vie bascule tant la charge est lourde. À ces aidants familiaux épuisés, l'accueil de jour apparaît comme un répit. Leur première préoccupation: souffler, enfin, et rompre l'isolement. Ensuite revient le goût de s'occuper de soi avec la possibilité retrouvée d'aller chez le coiffeur, de reprendre un cours de gymnastique, de renouer avec une vie familiale et sociale mise entre parenthèses. Voilà pourquoi l'association France Alzheimer** réclame depuis des années le développement de ces derniers. "L'annonce de la création de 13 000 places d'accueil de jour inscrite dans le plan Alzheimer 2004-2007 est une avancée, note Guy Le Rochais, vice-président de l'association France Alzheimer. Mais nous estimons les besoins à 100 000 places, au regard de l'étude Paquid ("Personnes âgées, quid ? ") menée depuis 1988 et en rappelant que 70% des malades vivent à domicile. L'accueil de jour, c'est avant tout une petite unité de vie dans la ville, en contact avec la population, au sein de laquelle une équipe de professionnels psychologue, psychomotricienne, infirmière, aide médicopsychologique...) se met au service des malades et des familles. Même s'il ne constitue qu'une réponse à un moment donné dans leur parcours, il favorise le maintien à domicile en prenant en charge à la fois le malade et l'aidant familial. Un malade, c'est toute une famille qui a besoin d'aide."


Le plaisir aussi est thérapeutique
Accueil et Service-Nord, une association lilloise d'aide à domicile pour personnes âgées et handicapées, a mis en place un accueil de jour voici 6 ans. Les familles font l'objet d'une attention renforcée et sont soutenues dans l'accompagnement du malade: les animateurs vont le chercher à domicile avec un véhicule de l'association et un "carnet de liaison" permet d'instaurer, en plus des échanges verbaux, un travail de suivi entre la famille et l'équipe. Tous les deux mois, familles et malades sont conviés à une journée de détente: barbecue, escapade à la mer... "C'est toujours une réussite, se réjouit le directeur, Benoît Klein. Les malades sont très fiers d'être avec leur conjoint ou leur fille (ou fils) et en même temps de retrouver les animateurs. Tout ce monde, pour eux, c'est merveilleux. L'ambiance est formidable et la famille, elle, redécouvre le plaisir de partager de bons moments avec son parent. Nous partons aussi en week-end. Cela demande de l'organisation, de la sécurité, de la logistique, mais le résultat est là: tous sont contents. À la Saint-Valentin, nous sommes même allés dans un gîte avec cinq couples. C'était exceptionnel. Certains nous ont dit que cela faisait des années qu'ils n'étaient pas partis, des années qu'ils n'avaient pas partagé le même lit." Toutes ces petites victoires, ces réussites ne peuvent occulter les moments de rupture, les difficultés, les souffrances. Lorsque l'épuisement et le découragement gagnent du terrain, les "groupes de paroles" sont là pour servir de soupape. Organisés dans le cadre de l'accueil de jour, animés par un psychologue, ils donnent l'occasion aux "aidants" d'exprimer leur ras-le-bol et, dans une écoute mutuelle, de calmer leurs angoisses en se sentant moins seuls. Pas de solution miracle, l'accueil de jour n'évitera pas une entrée en institution, mais il la recule en moyenne de deux ans. Et c'est déjà énorme, comme l'exprime une malade: "C'est comme une maison de secours et la nuit, on dort chez nous. Tant qu'à faire, on y est mieux!"


Chantal Masson : "Bien être et santé" nov. 2004


*Casa Delta 7, tél. 0142051012, site Internet de l'association Delta 7 : http://www.delta7asso.fr **Association France Alzheimer, 90000 adhérents et donateurs, 105 associations départementales, 21 bd !Montmartre, 75002 Paris, tél. 0142975241, site internet : http://www.francealzheimer.org


L'ACCUEIL DE JOUR EN PRATIQUE
La fréquentation d'un accueil de jour ne se fait qu'après que le diagnostic d'Alzheimer a été posé par un neurologue. Il existe deux types de structures: l'accueil de jour, géré par une association, un organisme social ou une maison de retraite, et l'hôpital de jour qui est un lieu médicalisé; l'équipe dirigée par un médecin psychiatre et un gériatre construit un projet thérapeutique pour chaque patient. Dans l'un comme dans l'autre sont proposées des activités artistiques: dessin, peinture, modelage, travail de la mosaïque, musique. Des activités à partir des odeurs figurent aussi dans les différents programmes, ainsi que de la gymnastique douce ou des exercices dirigés par un(e) psychomotricien(ne) pour faire travailler les bras, les jambes, et faire reprendre conscience au malade de l'existence de son corps. Le coût d'une journée est d'environ 8o € avec une prise en charge de l'Assurance maladie de 23 € Le reste des frais peut être payé en partie par PAPA (allocation personnalisée d'autonomie) et parfois par une mutuelle. Les malades à faibles revenus bénéficient d'aides complémentaires. En attendant que soit signé le décret instaurant un forfait "soin" pour la prise en charge de l'accueil de jour, versé directement à l'établissement par l'Assurance maladie.


MIEUX ASSISTER LES MALADES ET LES FAMILLES
En 2004, près de 800 000 personnes souffrent de la maladie d'Alzheimer ou de troubles apparentés. Au-delà de 75 ans, 18 % des personnes en sont atteintes. Pour améliorer la qualité de vie des malades et de leurs proches, un plan de dix mesures a été présenté par le ministre de la Santé, Philippe Douste-Blazy, le 13 septembre dernier. Parmi celles-ci sont affirmés: *la nécessité de mieux prendre en compte les besoins des familles en développant "des formules d'aides et de soutien susceptibles d'éviter une situation d'épuisement des aidants"; *la mise en place de Zoo nouvelles "consultations mémoire" venant s'ajouter aux 232 existant déjà en milieu hospitalier; *le développement de l'accueil de jour et de l'hébergement temporaire grâce à la création de 13 000 places supplémentaires pour atteindre 15 500 places en 2007; *le renforcement de l'information des malades à un stade précoce et des familles au moyen d'un "Mémento Alzheimer" présentant les modes d'accueils et de prises en charges actuellement disponibles.


Pour en savoir plus: http://www.personnes-agees.gouv.fr

Autre lien pour cette maladie. -->Alzheimer